Pour la sortie de son premier album solo, nous avons produit deux clips et deux freestyles réalisés par Thomas Dadoun, pour YWILL, rappeur du groupe lillois La Jonction. On en a profité pour revenir avec lui sur son parcours et pour revisiter une partie de l’histoire du rap du Nord.
A 33 ans, il fait partie de la deuxième génération de MC’s. Pour lui, la brèche avait été ouverte par des rappeurs comme Point Critik, Juste Cause, Mental Kombat, Production Incorruptible, Ultime Défense, Soldat, Mickey (Kémiargola) et La Fronde ou encore Shaman(qui a fait la pochette de son album). Pour ne citer qu’eux.

« Je viens d’une famille de musiciens, ça a été déterminant. Mes parents font du Folk. Mon père est guitariste et écrit des chansons. Ma mère est flûtiste et fait les chœurs. Mon grand frère écoutait beaucoup de Rap. C’est un peu lui qui m’a mis dedans. Aujourd’hui, c’est encore lui qui me dit : Tiens, écoutes-ça ! ça vient de sortir . Petit à petit, j’ai découvert qu’on pouvait faire des chansons en verlan, bousculer les codes en utilisant le même langage que celui que j’utilisais avec mes potes dans le quartier ou dans la cours du collège. ça m’a parlé direct.
» Mon premier groupe, Ex Aequo, était composé d’Oprim et de Dj Freez. J’aimais déjà bien le Graff’. Un jour, je suis tombé sur un gros block de Sleek à Wazemmes. J’ai tout de suite essayé de reproduire ça sur un bout de papier. D’un seul coup, on prenait conscience qu’avec la Danse et le Djaying, tout ça était lié et formait un ensemble, une Culture : le Hip Hop .
Ma première scène, c’est au côté de Senior Karo au sein du collectif L’Empire vers 1997-1998. Ma première apparition sur une mixtape (celle de Dj SimSima) c’est en 1999. J’apparais ensuite sur l’album de mes parents (Lille Blues , Cour des Miracles). D’ailleurs ils interviennent sur mon album, c’est une manière de leur rendre la pareille. Je conçois la musique comme ça : on y met beaucoup de soi, de sa vie «

» Vers 1999, avec Oprim et Dj Freez, on fait un concert salle Courmont à Moulins et on rencontre Rekta et GPA (qui par la suite poseront sur la compil’Only Bizness de Call 911). Puis on fait la connaissance de Prince, son groupe s’appelait Sens Interdit. En 2002, en Deug d’espagnol, je rencontre Saknes. Au final, on a plus parlé Rap qu’espagnol. Ce gars, c’est une pile, un moteur. Il débarquait de Saint Quentin. En à peine deux mois à Lille, il avait déjà créé un collectif (Solid H), trouvé une salle de répét’ et avait une mixtape en route. Avec Oprim, Rekta, Prince et Saknes, on squattait toujours ensemble. Nos groupes respectifs commençaient à se disloquer. Puis on a créé La Jonction. ça coulait de source en fait. A l’époque, les groupes sur Lille, c’était beaucoup rebeu entre rebeu, renoi entre renoi, blanc entre blanc. Dans La Jonction, il y avait ce côté cosmopolite, melting pot qui dénotait. Et quand dans tes textes, tu parles d’unité, tu dénonces les discriminations, le racisme ambiant et les préjugés en tout genre: ça faisait sens direct. Je pense que c’est en partie ce qui a fait la force du groupe. «
» En 2004, on sort la compilation » Réunion Clandestine « , uniquement sur des prods originales. Pas de face B. On pouvait trouver dessus beaucoup de groupes de la région, mais aussi de toute la France. On voulait vraiment faire connaître notre ville à une époque où le rap français c’était Paris et Marseille, On a vite pris conscience qu’il fallait aussi bouger, faire des concerts et des radios autre part que dans notre région. Et il n’y avait pas encore internet. On a donc loué une caisse pour faire le tour de France avec nos cartons de CDs dans le coffre. Seul Saknes avait le permis : il s’est tapé 3500km en 9 jours : Rennes, Bordeaux, Montpellier, Marseille, Lyon, Strasbourg. On a fait le tour des Fnacs et des dépôts ventes. On a fait des connexions avec IPM de Lyon , 45 Niggaz de Marseille. Cette première compil’ a été une carte de visite qui nous a permis de décrocher des concerts. On s’est alors rendu compte que la scène, c’était un taf à part entière. On en a fait notre terrain de prédilection. »
« En 2008, on sort Street Radio distribué par Just Like. On devait enchaîner direct sur un nouvel album mais Il a pris beaucoup de retard car on remettait souvent tout en question. Par exemple en 2010, on avait déjà de quoi sortir un album pour finalement repartir à zéro, ou presque. On a aussi pris le train d’internet et des réseaux sociaux en retard par rapport à beaucoup. Au final, l’album » Le Point sur le J » arrive en 2013. On fait quand même plus de 150 dates de concert en France et à l’étranger, d’abord dans le milieu Hip Hop » traditionnel « , mais aussi dans le réseau militant et alternatif. «

« Enchaîner sur un album perso, ça allait de soi car j’ai toujours écrit des morceaux solos. En 2004-2005 j’avais déjà un album maquetté chez moi sur face B . En fait ça fait un sacré bout de temps que je bosse dessus. Je ne le sors qu’en 2016 mais la période s’y prête plutôt bien : on a moins d’actu avec La Jonction, c’est le bon moment pour mettre en avant les individualités. Et en ce qui me concerne, je me sens aujourd’hui assez mature en écriture pour assumer, sortir et défendre un album solo. J’ai du l’écrire sur environ 5 ans de temps et j’enregistre depuis deux ans en maquettant énormément.
Il y a 6 ou 7 prods de Dj Sims, des prods de Fianso du groupe June6, de Dj Diaze, de DSLK, une de Fair’Son aux sonorités plus actuelles et une prod de Greenfinch reçue très récemment : ça a été le coup de cœur direct! Il y a également un morceau sur une prod de Machinist qui a été enregistré à Build Up. Je suis content d’avoir un morceau enregistré là-bas car ce lieu déchirait. «
L’album sort le 20 mai. Le 25 mai à 21h, release party gratos à la Maison Folies de Wazemmes. Venez nombreux!!!
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Tandem, Baak et Coach de Nuul Kukk avec Prince, Oprim, Jocker et Ywill de La Jonction, fête de la soupe, 2016.